Nocturnes 2

Je pose ma main dans la sienne, grande, ouverte, négligemment posée à hauteur de son visage. Des réflexes nerveux font que ses doigts emprisonnent les miens. Son souffle est régulier, intermittent, il me caresse le visage.

À l’instar de mes enfants, il est en santé, comme disent les Canadiens. J’imagine mes enfants, chacun dans son lit, leur souffle également régulier. Les mains de mon fils quand il dort. Ma fille, sur le dos avec sa bouillote comme elle aime. En santé. Pas en pleine santé, trop de certitudes nuit. On ne sait jamais quelle silencieuse et insidieuse maladie peut rôder. En santé, tout simplement. Ça suffit. Un souffle régulier. Expiration, inspiration, bien régulier, un souffle réconfortant de santé.

Être en santé pour moi maintenant, c’est me maintenir le plus longtemps possible loin de la dialyse. Pouvoir sauter sur mon vélo et pédaler à fond, faire de longues marches et utiliser mes jambes. C’est aussi pouvoir manger un peu de gâteau d’anniversaire, prendre du miel le matin. Pouvoir travailler. Pouvoir surmonter les moments de faiblesse. Pouvoir avoir une activité normale.

Pouvoir glisser mes doigts dans ceux de mon mari, pouvoir sentir sur mon visage en sueur son souffle régulier, dire un secret merci à l’hypo qui m’a réveillée et qui ne me laisse pas dormir, mais apprécier son souffle, isolée mais lucide.

En santé ?

Bonne journée à vous.