Quelle langue pour penser la maladie?

Publié le 17 Mars 2014

Il m'arrive un peu ce qui arrive à mes enfants. Ils ont un père qui parle allemand, une mère qui parle français, mais ils vont à l'école en Allemagne et tout ce qui a trait à la scolarité est "parlé" en allemand: ils apprennent à écrire et à lire en allemand et écrire et lire en français leur paraît bien difficile. Ils comptent également spontanément en allemand, mais basculent immédiatement en français si c'est moi qui les interroge. Sacrée gymnastique!

Quant à moi, qui ai l'avantage de l'âge et de ne pas avoir de compte à rendre, je peux dire et penser ma maladie comme je veux, et je fais un sacré mélange, un misch-masch comme nous disons.

Je ne pense pas: "Tiens, il faudrait que je fasse une glycémie", mais "Tiens, il faudrait que je fasse un Blutzucker".

Ou: "Il me faut de nouvelles aiguilles", mais "Il me faut encore des Nadeln".

Lorsque je note une hypoglycémie sur mon carnet, je la note UZ pour Unterzuckerung.

Quand je compte mes glucides, je les note en KE, qui est l'heureux acronyme (est-ce vraiment un acronyme? On prononce kaé) du délicieux Kohlenhydrateneinheit et on comprend pourquoi on lui a coupé les cheveux.

Bref c'est un beau méli-mélo, mais il me semble qu'apprendre et vivre la maladie dans la langue du pays dans lequel on habite est plus simple - et en premier lieu pour communiquer avec l'équipe soignante. C'est ainsi que les premiers rudiments m'ont été enseignés, et ils restent.

Quoiqu'il en soit, le principal est de trouver les mots qui nous conviennent pour décrire nos maux, car comme je l'ai remarqué à plusieurs reprises, on ne pense pas le corps, la maladie et les "ressentis" de la même façon en France et en Allemagne, ce qui à mon avis découle directement de la langue, qui modèle la forme des pensées.

À ce sujet une petite anecdote: mon fils de 7 ans expliquait doctement à la maman d'un petit copain, elle-même diabétique de type 1 depuis de longues années et qui ignorait alors que j'étais diabétique, qu'il ne fallait pas piquer d'insuline pour les légumes, mais qu'il fallait en revanche compter les pâtes, le riz et les pommes de terre. La puce à l'oreille, la maman demande: "Sag mal, hat denn Deine Mama Blutzucker?" (ce qui est la façon allemande courante de désigner le diabète) "Nein, répondit-il fièrement, et sans doute soulagé de pouvoir s'ouvrir de cela à quelqu'un, sie hat Diabetes Typ 1!" (Pour la petite histoire, la maman m'a bien sûr appelée tout de suite après, la maladie nous a beaucoup rapprochées...)

Bonne journée à vous, tous types confondus!

Rédigé par Amice

Publié dans #diabète

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